28 avril 2008
24 Heures,
Jusqu'à ses éditeurs, tout le monde ignorait que Ghislaine Dunant avait des origines suisses. Et comme s'en amuse son attachée de presse, ce Prix Dentan 2008 participe d'un réel "outing". Genevoise par son père, l'écrivain revient dans ce pays de jeunesse (elle a travaillé quelques années à "La Tribune de Genève") grâce à son dernier roman, Un effondrement, qui a saisi le jury par "sa lucidité incisive". Sans jamais en prononcer le mot, le roman invite le lecteur au coeur d'une dépression. Quand il n'y a presque plus rien. Petits battements d'aile au milieu d'une dévastation. Sublime.
- Vous avez attendu trente ans pour écrire sur cette dépression...
- Je n'ai pas attendu, je n'y pensais pas jusqu'à cette visite à une amie à l'Hôpital Sainte-Anne, à Paris. Elle m'a dit ces mots que j'ai trouvés terribles : "J'ai honte de faire une dépression."
- Vous avez dû vous y replonger. Comment vous êtes-vous sentie pendant l'écriture ?
- J'ai dû y replonger, mais pour écrire il faut aussi prendre de la distance. Oui, c'est une chose que j'ai traversée, mais je ne voulais pas que cela soit du domaine de la plainte. La plainte, c'est assommant à lire. Je voulais faire entrer le lecteur dans ce questionnement : qu'est-ce que ça dit de la vie ? Et surtout comme c'est difficile dans ces moments où la réalité s'éloigne, où on n'arrive plus à vivre.
- Vous n'êtes jamais dans l'explication, mais dans l'expérience...
- Il fallait montrer l'étrangeté d'un effondrement. C'était une mise à l'épreuve de l'écriture. Quand on fait une dépression, on ne comprend rien à ce qui nous arrive. Et le romancier doit même sans détenir d'explication, montrer tout ce qui se passe, les petites choses ténues de l'existence qui subsistent.
- Au premier abord, vous écrivez sur le vide...
- ... Et on se rend compte que ce n'est jamais le vide ! Seulement ces choses toutes petites montrent qu'il n'y a rien d'autre. C'est ça qui donne cette impression qu'il n'y a presque plus rien. A part un store, une plante verte, un fauteuil.
- Dans le livre, vous ne lâchez jamais le mot dépression...
- Quand on utilise ce mot, il y a toujours un blanc, comme si ce mot sonnait un glas. C'était aussi pour échapper au diagnostic. En disant "effondrement", j'étais du côté de la personne, de ce sentiment de la vie, quand ça lâche, quand on s'effondre...
- L'écriture est-elle liée à cette notion de vie ?
- Absolument. Pouvoir écrire, c'est atteindre à une capacité d'être. C'est aussi répondre à des manques que la vie ne comble pas.